Les pollilas: la légende de l’enfant et du quinoa
La seconde légende que devait me confier Adèla est celle de l’enfant et du quinoa.
Les exportations de cocaïne base rapportaient, me dit-elle, un milliard de dollars aux trafiquants, dont trois cents à trois cent cinquante millions restaient dans le pays. Les activités du narcotrafic étaient équivalentes au Produit Intérieur Brut du pays. Les conditions de vie sur l’Altiplano étaient par contre terrifiantes : l’espérance de vie n’excédait pas 45 ans et la mortalité infantile était énorme.
Comment, dans ces conditions, ne pas s’exiler vers les plantations de coca ? Mais les Indiens de l’Altiplano vivaient à plus de 3 000 mètres d’altitude et ne supportaient pas le climat amazonien. En descendant dans les plaines, la plupart mouraient de tuberculose. Pour freiner la culture de la coca, il fallait que les paysans puissent gagner leur vie en cultivant une autre plante, mais aussi qu’ils aient des routes, des écoles, l’électricité, des hôpitaux et…l’eau potable…
Adèla avait les larmes aux yeux. Je me sentais de plus en plus démuni face à cette femme qui me parlait des enfants qui mouraient sur cet Altiplano si lointain… les pollilas. Je compris, que plus tard sa légende sur les pollilas, quand j’appris que c’est ainsi que l’on nomme les mites en Bolivie, les mites qu’on ne voit pas durant la journée, mais qui tournent autour des lumières électriques la nuit. Les enfants sans pain de l’Altiplano, ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir rester avec leur famille, c’est ainsi qu’on les nommait. Les pollilas étaient des milliers dans les villes. Souvent abusés et exploités par des adultes, ils s’étaient créé leur propre monde avec une seule loi face au reste du monde : le silence.