Histoires de Terre
Impossible de comprendre les Indiens des Andes quand on ne connaît pas un peu leur passé…
C’est Adèla qui m’expliqua ce que représentait le quinoa comme enjeu pour son peuple. J’ai appris alors que la Bolivie était le plus pauvre de tous les pays d’Amérique du Sud avec près de la moitié de sa population constituée de paysans, le pays aussi où le taux de dénutrition infantile était le plus élevé.
Adèla me raconta l’histoire de son pays. Comment le premier chef inca avait été créé par le dieu Soleil dans le lac Titicaca quatre siècles avant la conquête espagnole. Elle avait l’air convaincu ! Grâce à cette femme, je sus l’histoire d’une terre gorgée du sang des massacres des esclaves puis de ceux d’un Etat contre son propre peuple.
En 1825, la bourgeoisie établie par la jeune « république de Bolivar » avait concentré les efforts du pays sur l’exploitation minière et réussi à éliminer les communautés indiennes des terres fertiles pour constituer de grandes haciendas : 82% des terres agricoles appartenaient à 4% des exploitants.
En 1953, les acteurs de la « révolution nationale » avaient mis en oeuvre une réforme agraire afin de reconnaître une existence légale aux populations indiennes. Adèla était révoltée en m’expliquant que les révolutionnaires étaient eux-mêmes souvent, de grands propriétaires qui avaient pour but de développer une agriculture soi-disant moderne, intensive, reposant sur une mécanisation à outrance. De fait, 50 ans après, la plupart des terres cultivables étaient encore entre les mains de grands propriétaires terriens et on parlait de céder ces terres à de grandes compagnies internationales. Pourtant ce qui révoltait Adèla m’échappait en partie. Comment aurais-je pu concevoir que le vol de ces terres, représentait un sacrilège ? Je ne savais pas encore à quel point la terre, pour les Indiens, est divinisée et comment l’intégrité d’un territoire garantit l’existence même de la communauté qui, depuis des siècles, sacrifie le sang des lamas pour que Pachamama, la terre-mère, divinité la plus invoquée des Andes, boive avec eux et les protège…